Cahuzac-sur-Vère est niché au cœur d’une belle vallée qui porte le nom de la rivière qui la traverse : la Vère. Le nom de Vère peut venir de plusieurs origines :
– soit de « Véra », qui signifie « arquée ». Ainsi, lorsqu’on étudie le cours de la Vère, on observe qu’il forme par son ensemble un « arc » dont la concavité est orientée vers le nord-est, contenant dans celle-ci la « forêt de la Grésigne » …
– soit de la racine gauloise « Var », qui signifie « eau » pour les celtes. C’est d’ailleurs une syllabe partagée avec l’Aveyron, et la Vervère, affluent de droite de la Vère, et sans doute avec le Viaur, le Cérou..
– soit … des deux !
Le territoire communal est occupé depuis la Préhistoire et sur les rives du ruisseau d’istricou,, au fond d’un vallon resserré, sur la rive gauche de la Vère, on peut encore voir les ruines d’un dolmen.
Vers le III ème siècle av. J.C., les Rutènes (peuplade celte d’Europe centrale) s’installèrent sur les rives de la Vère, et y prospérèrent durant plusieurs siècles.
Cahuzac avant la conquête romaine
Vers 115 av. J.C., les armées romaines envahissent le Sud de la Gaule et, conduites par le Consul Fabius Maximus, s’emparent de notre région, qui est rattachée à la province romaine de Narbonnaise, mais les Rutènes restent rebelles et soutiennent par la suite Vercingétorix lors de la Guerre des Gaules. Ils furent pourtant obligés de se soumettre à jules César, comme tous les Gaulois, après la défaite d’Alésia en 52 av JC.
La romanisation peut alors commencer.
C’est à partir de cette époque qu’a été construire la « voie romaine » qui rejoignait la voie qui conduisait de Toulouse à Rodez en passant par Rabastens, Saurs, Sainte-Cécile d’Avès, puis Montels et La Peyre, pour descendre ensuite sur la Vère, traverser l’ancien pont de Cahuzac, et se retrouver sous la Devèze et la Tour d’Olivier…
Dans les campagnes, l’influence romaine se fait de plus en plus sentir.
Les noms des lieux se latinisent : ainsi Arzac et Cahuzac sont d’origine romaine : mais aussi sans doute Lintin (venant du latin Lentinius) .
De grandes villas gallo-romaines (exploitations agricoles) se développent aussi et on a retrouvé, lors de la construction du Chemin de fer en avril 1863, une immense maison de maître gallo-romaine , décorées de superbes mosaïques, en contre-bas de Granejouls
Figure 1: Mosaïque de la villa gallo-romaine de Granejouls
La croisade contre les Albigeois (1209-1229)
Le Moyen Age est très chrétien et les fidèles font souvent des pèlerinages pour obtenir la bénédiction et la protection des saints.
Ainsi, allait-on en pèlerinage à Vieux pour être protégé par les reliques des Saints africains. Ou encore, partait-on sur les routes pour faire le pèlerinage de Compostelle dont une voie secondaire passait à Cahuzac. Le trajet des Jacquets est repérable dans nos rues à des coquilles Saint Jacques récemment fixées au sol.
Mais, dans le Sud de la France, audébut de XIIIème siècle, une religion dissidente du christianisme se répand peu à peu : le catharisme. Près de 10 % de la population de la région s’est tournée vers elle et l’Eglise romaine s’inquiète. Le Pape Innocent III lance alors une croisade dont il confie la direction à Simon de Montfort. Elle prit le nom de Croisade contre les Albigeois. Et elle passa par Cahuzac !
En 1212, Simon de Montfort prit le château de Cahuzac, fidèle au Comte de Toulouse, après un siège de plusieurs jours. Il y établit ses troupes, avant d’aller assiéger et ravager Saint Marcel, dans la vallée du Cérou.
Vingt ans après, alors que la Croisade l’a emporté, les Cahuzacois reçurent encore la visite d’un tribunal dit de « l’inquisition », qui était chargé de pourchasser et d’éliminer les « hérétiques », ceux qui, malgré tout, persévéraient dans le catharisme. La torture fut, bien sûr, utilisée.
En 1260, des différends s’étant élevés entre l’évêque d’Alby, le sénéchal de Carcassonne et l’abbé de Gaillac, soutenu par Cahuzac les troupes de l’évêque, se dirigeant vers Vieux, pillèrent au passage Cahuzac et la maison du prieur…
Les luttes des siècles suivants
La ville de Cahuzac souffrit aussi des luttes qui agitèrent le pays aux siècles suivants.
Ainsi, durant la Guerre de Cent Ans (1337- 1453), Cahuzac resta fidèle au Roi de France, malgré l’avancée des Anglais : la ville leva même 50 hommes pour aller assiéger les Anglais au Château de Penne.
Mais c’est surtout la population qui souffrit beaucoup , du fait des attaques, rapines et pillages des « compagnies », comme celle de Jacques de Braye à Vieux, en 1371 : ces bandes de mercenaires sans emploi ravageaient alors le pays, détruisaient les récoltes et confisquaient le bétail semant la terreur et la misère dans le pays.
Puis au XVIè siècle, les Guerres de religion frappèrent ici aussi.
Tout comme les villages voisins, Cahuzac résista aux troupes protestantes qui assaillirent le pays, et accueillit à plusieurs reprises les réfugiés catholiques venus de villes alentours comme Gaillac…
Puis le village fut pris par les protestants en 1568, puis en 1578 après avoir connu un saccage avec les statues des saints et les cloches brisées ; l’hôpital, qui se trouvait dans le « barry » (faubourg, en dehors des remparts) fut détruit, la Maladrerie brûlée. Une bataille qui fit de nombreux morts parmi les protestants, se déroula alors à Saint Vincent, sur le versant de la colline où se trouve le cimetière.
De leur côté les seigneurs de Mauriac, passé au protestantisme, et de Salette resté catholique, se menaient une lutte sans merci.
La vie à Cahuzac sous l’ancien Régime
La « ville » de Cahuzac était entourée de remparts et des fossés profonds le protégeaient du côté du plateau. Deux portes fortifiées permettaient l’entrée l’une du côté de Gaillac, l’autre du côté de la Vère, , appelée. A l’intérieur s’élevait un château dont il ne reste rien et une chapelle, entourée de quelques maisons.
Pour pénétrer à l’intérieur de la ville, les marchandises, telles que les bêtes à abattre par le boucher, devaient payer un droit de péage.
Figure 2: Vue cavalière de Cahuzac sur Vère, au XVIe siècle
(cf « Cahuzac sur Vère au fil du temps, d’Y. Deleu, p 46)
1 : Porte Haute ou Porte d’Amoun
2 : Maison commune
3 : Tour dite des cloches
4 : Chapelle Saint Pierre
5 : Prison
6 : Porte Basse ou Porte de Vère
7 : Le Vieux pont, dit « romain », ( pont de la Vère)
8 : Eglise Saint Vincent entourée de son cimetière
9 : La source.
La ville était dirigée par 4 consuls (1 noble, 1 bourgeois, 1 paysan, 1 artisan) qui disposaient de la police, de la justice criminelle, de l’entretien des chemins, des portes, des murailles, fixaient le prix du blé, répartissaient et levaient les impôts du roi, principalement la taille.
Ces consuls se servaient d’un sceau reprenant les armoiries de la ville : un écu à la croix de Toulouse, avec trois fleurs de lys en chef, dans un champ d’arabesques. De nos jours, une petite chouette a été rajoutée au blason, rappelant la légende de l’origine du nom de Cahuzac, liée à une chouette ( « cahu », en occitan)
Ces consuls inauguraient aussi les fêtes et foires, revêtus d’une robe et d’un chaperon noir et rouge
Il y avait quatre foires par an à Cahuzac, les jours de Saint Fabien, de Saint Sébastien, de Saint Roch et de Saint Pierre, ainsi que deux marchés par semaine.
On produisait dans la région des blés, du seigle, du chanvre que l’on mettait à rouir dans la Vère et ses affluents, du vin déjà réputé, des agneaux et la laine des moutons.
Figure 3: Porte Renaissance de l’ancien château
La révolution de 1789 à Cahuzac
Cahuzac, quoique royaliste au début du siècle, fut l’une des premières villes à applaudir aux idées nouvelles et à se plier aux décisions des Etats Généraux. Certains cahuzacois, souvent des nobles, préférèrent pourtant l’exil et leurs biens furent confisqués puis vendus comme Biens nationaux. Par la suite, plusieurs perquisitions et arrestations de personnes accusées de complot contre la République eurent lieu, comme par exemple au Château de Fonclamouse en juillet 1793.
Cette année là, an II de la République, la Société des Sans-Culottes locale célébra la première Fête de la déesse de la Raison : à cette occasion, les titres féodaux furent brûlés sur la place devant l’autel de la patrie. Ils y furent apportés déposés sur du fumier, dans un tombereau tiré par des ânes depuis la Porte de Vère !
L’anniversaire de la prise de la Bastille fut célébré pour la première fois à Cahuzac le 5 Thermidor de l’an V. Afin de donner à cette commémoration tout l’éclat nécessaire, le capitaine de la Garde nationale et ses troupes y assistèrent et les fonctionnaires renouvelèrent leur « serment » à la République.
En l’an VIII , Cahuzac perdit le titre de chef-lieu de canton, au profit de Castelnau de Montmiral.
Cahuzac perdit aussi ses cloches fondues pour fabriquer les canons nécessaires aux Guerres Révolutionnaires : seule la cloche Saint Pierre coulée après les guerres de religion fut conservée.
Cahuzac au XIXè siècle
Le début du siècle fut le temps de la « reconstruction » dans tous les sens du terme. Routes et chemins sont en ruines. Nombre d’églises sont hors d’usage. L’église paroissiale Saint Vincent était de ce nombre. Située hors du village avec son cimetière, elle n’était plus réparable. On choisit l’ancienne chapelle du Château, renommée « Saint-Thomas », comme lieu de culte principal, on l’agrandit, on l’embellie et l’église Saint Vincent fut détruite. … Ses trois cloches furent bénies le 16 avril 1885 : parmi elles, la cloche Pierre, datant de 1582 joue la note « si ».
A Arzac, on choisit la même solution : l’ancienne église située dans le vallon à côté du cimetière tombant en ruine, une nouvelle église fut alors construite sur le plateau,
La vie dans le Cahuzacois
Au cours du siècle, la population cahuzacoise vit toujours des travaux des champs.
Elle cultive principalement des céréales (blé, avoine, orge…), quelques cultures fourragères (trèfle ou luzerne) , des légumineuses comme les lentilles et de la vigne. Le chanvre et le lin sont toujours largement cultivés et l’on trouvait des chènevières et des linières tout au long de la vallée de la Vère. Par contre, la culture du safran, produit surtout au lieu-dit La Devèze, diminue au cours du siècle. De nos jours, des agriculteurs des environs ont relancé la culture du safran et vous pouvez trouver sur nos marchés toute une gamme de produits safranés.
Dans la première moitié du siècle, la production des vins de Gaillac augmenta et sa réputation se répandit. On les transportait en bateau depuis Gaillac, puis après 1860 par train, jusqu’à Paris et dans les grandes villes où ils servaient à donner du corps et bon goût aux vins faibles.
Mais en 1879, le phylloxéra ravagea le vignoble gaillacois et Cahuzac sur Vère fit partie des premières communes touchées. Les vignes dépérirent et disparurent presque, sauf à Salette où quelques vignes résistèrent.
Pour tenir bon, certains se tournèrent vers d’anciennes cultures tel le lin ou l’anis dont il restait encore quelques champs, jusqu’à la fin du XXè siècle, au Mas des Vignes, sur la route de Cestayrols. Les vignes furent replantées peu à peu, surtout après la 1ère Guerre Mondiale, avec des plants américains.
L’élevage était aussi une ressource, principalement des moutons et agneaux que l’on engraissait dans les bois , les bruyères et quelques prés de fond de vallée.. Ils étaient ensuite vendus à la Foire de Cahuzac ou envoyés vers Paris par le train.
Mais l’élevage le plus original est celui du pigeon. De nombreux pigeonniers, souvent sur piliers ou pilotis, parsèment le territoire de la commune. Ils fournissaient ainsi de la viande, mais aussi de la fiente, la colombine, qui permettait de fumer les chènevières, linières, safranières et vignes éventuellement.
L’industrie n’est présente sur la commune que sous deux formes :
– les fours à chaux : la chaux est une denrée nécessaire pour améliorer les sols, fabriquer la bouillie bordelaise pour sulfater les vignes, blanchir les murs et désinfecter. On en trouvait à Arzac dès 1845, et aux lieux-dits Lavergne et Carcarietge, à l’entrée de Cahuzac dès 1850.
– les tuileries : plusieurs tuileries furent fondées au XIXè siècle à l’entrée du village, aux lieux-dits Roziers ( Rosiés ?) , les Tuileries, et Lavergne. Les marnières se trouvaient sur place. On y fabriquait des tuiles « canal » et des briques de grande qualité dont la particularité était la couleur blanche. Les tuiliers expédiaient une bonne partie de leur production par le train.
Cette ligne de train a été ouverte par la Compagnie d’Orléans en 1864 et pour traverser la vallée de la Vère, ilfallut construire un des plus longs viaducs de toute la ligne, avec de grandes arches en briques, dans le style des viaducs du Massif Central. Cahuzac, village important, obtint que fut construite une gare, mais à l’écart du village, sur le plateau, en face de Belesta. Désormais Toulouse n’est plus qu’à deux heures de voyage et Paris à 12 heures, et non plus une semaine en voiture à cheval. Quel progrès pour les transports de voyageurs et de marchandises (agneaux, vin, tuiles, blés…)
L’école, devenue laïque après les années 1830, fut confiée à des « Régents », mais elle resta payante, jusqu’à
la création de l’école républicaine. Certains apprenaient à lire à Cahuzac, mais pas à écrire. Il existait aussi une petite école privée religieuse, l’école de la Saint Famille.
Puis une école de garçons et une école de filles furent construites après les lois de Jules Ferry (1881-1882) à l’entrée du village de chaque côté de la route de Gaillac. Ces bâtiments servent aujourd’hui à la Médiathèque et à la Halte Garderie.
Pour plus de renseignements, voir le livre de M. Loddo « Entre Corda et Gresinha », cantons de Cordes, Vaour et Castelnau de Montmiral ».
Les guerres
La guerre franco-allemande éclata en 1870, elle fut le théâtre de nombreux malheurs. De nombreux jeunes de la commune furent enrôlés pour servir la patrie…
La guerre de 1914-1918 vit la mobilisation générale des hommes valides du village, surtout les jeunes, dont certains, comme Roger Rozières, âgé de 22 ans, moururent dès le premier mois de guerre. Le village paya un lourd tribut avec 52 morts pour la France.
Après la guerre, dès 1920, et comme dans la plupart des communes françaises, la municipalité décida d’ériger sur la place de la mairie, un monument aux morts pour honorer ses enfants » Morts pour la France » pour la somme de 10000 F de l’époque.
Une souscription avait été ouverte et avait récolté 6220 F auprès de la population; la municipalité fit un emprunt de 3700 F au Crédit Foncier de France, remboursable en 30 ans au prix d’une imposition extraordinaire auprès de la population et paya en plus 780F pour les frais de transport et de montage du monument. Dans le même temps, une demande de subvention avait été déposée auprès de l’État qui accordait de l’aide financière aux communes de moins de 5000h: Cahuzac avait en 1920 1374 habitants.
Un tel effort financier pour une petite commune rurale montre à quel point la guerre avait été traumatisante et à quel point les Cahuzacois étaient fiers de leurs héros , comme ils les appelaient.
Bibliographie :
Ces lignes ont été écrites en s’appuyant sur :
- Les travaux érudits d’un écrivain local Yves DELEU, qui a accepté que nous reprenions quelques extraits de ses ouvrages « Cahuzac sur Vère au fil du temps », ou encore « Cahuzac sur Vère, Histoire de l’Eglise Saint Thomas », 2001, révisée en 2010,
En vente à la Mairie de Cahuzac sur Vère. - Philippe Séguier : « Le vignoble de Gaillac », éditions Daniel Briand, 1991
- Bénédicte et Jean-Jacques Fenié : « Toponymie occitane » ; Editions Sud Ouest Université.
- Charles Portal : « Le département du Tarn au XIXe siècle » , éditions de la Tour Gile
- Elie-A. Rossignol : « Etude statistique, historique, monumentale du Tarn : cantons de Cordes, Vaour, et Castelnau de Montmiral » , collection Monographies des villes et villages de France, Edition Le livre d’Histoire, Paris, réédité en 2003.
- Daniel Loddo : « Entre Cordas e Gresinha , Cantons de Castelnau de Montmiral, Cordes et Vaour ( Tarn) », éditions C.O.R.D.A.E./ La Talvera, 1997
Données statistiques sur la population cahuzacoise : INSEE : http://www.insee.fr/fr/themes/dossier_complet.asp?codgeo=COM-81051